Les petits déjeuners

Une amie m’a dit:
« Quelque chose manque dans ton blog, tu manges quoi au petit déjeuner ? ».

Pour répondre à cette question pertinente, j’ai pensé en décrire le menu, dans la colonne de droite, entre les ustensiles de cuisine et les vins, une fois pour toutes, étant donné que mon petit déjeuner ne varie pas sauf en vacances, parfois.

J’imaginais surtout, que mon petit déjeuner était plus ou moins celui de tout le monde. Un petit déjeuner dit « à la française ».

Quelle erreur! Les descriptions de Sophie, puis d’Aline, la deuxième personne que j’ai interrogée, m’ont stupéfaite: ces deux petits déjeuners sont différents, et n’ont rien à voir avec le mien.

Je me suis souvenue de ce que m’avait raconté un hôtelier, un jour : « Quand les buffets n’existaient pas encore, le petit déjeuner « continental », était le repas plus compliqué à préparer pour la clientèle.
Les demandes particulières étaient nombreuses. Lait chaud, lait froid, chocolat à l’eau, verre d’eau glacé, bol d’eau chaude, un jus de fruit et rien d’autre, pain grillé, pain sans sel, confiture sans sucre, passoire pour le lait, beaucoup de café pas fort, un double expresso, plus de sucre, du beurre mou, du thé à la bergamote, être servi à l’aube etc. Sans oublier ceux qui ne prenaient jamais de petits déjeuners.

Actuellement, dans les cafés, on consomme toujours des petits déjeuners continentaux, on peut s’en faire livrer à domicile, mais dans les hôtels, les buffets sont la règle et ceux des hôtels de luxe répondent à toutes les demandes…

… « Les petits déjeuners seront à l’image des hôtes du Bristol. Sans frontières! Continental avec sa corbeille de viennoiseries, Américain avec son abondant buffet, Pleine Forme pour maintenir sa ligne en se faisant plaisir, Russe avec sa coupe de champagne et sa gaufre au saumon, et enfin Japonais ! »
Le Journal des Palaces, à propos du Bristol 2010

De plus en plus intéressée par le sujet, j’ai consulté les livres de cuisine de ma bibliothèque et j’ai constaté que jamais il n’est question de recettes ou de menus de petit déjeuner. Même pas dans les traités de savoir-vivre et autres « Femmes au foyer ».

Le petit déjeuner est plutôt le domaine des médecins et des nutritionnistes qui insistent sur l’extrême importance de ce repas permettant au corps de se recharger en énergie au sortir de la nuit.
Quant aux livres de cuisine traitant exclusivement du petit déjeuner, ils sont très récents et encore peu nombreux. Je n’en possède pas et j’avoue mon manque de curiosité.
Mais pourquoi donc changer de menu ?

Si les petits déjeuners sont absents des livres de cuisine généralistes, en revanche, ils foisonnent dans la littérature, mémoires, autobiographies, journaux etc., des plus sombres comme « le sacro saint petit cube gris » pain du matin de Primo Levi (Si c’est un homme) aux plus idylliques « Le chocolat embaume, un soleil d’argent joue dans ma tasse » écrit Colette (La retraite sentimentale).

Et au cinéma, nombreuses sont les images de personnages tirés de leur sommeil par l’apparition discrète d’un plateau chargé du premier repas et l’ouverture de persiennes inondant la chambre de lumière.

Sans m’avancer, il existe assez peu de tableaux qui le représentent. J’ai trouvé un Petit déjeuner de Monet dans ses Carnets de cuisine.

En fait, mis à part ceux d’affaires et les brunchs, ces petits déjeuners qui nous sortent du jeûne et des limbes sont du domaine de la vie privée, des habitudes intimes voire des manies. C’est un repas sans fards et sans invités.
Parler cuisine est un sujet important mais je ne connais personne qui raconte le menu de son petit déjeuner quand on lui demande : « Alors, qu’as-tu mangé de bon hier ? »

J’ai donc eu envie de poser la question à mon entourage et en général les amis prennent plaisir à soulever le voile.

Pour terminer ce long préambule, sans remonter à la Préhistoire, voici quelques exemples de définitions du petit déjeuner, dénichés dans ma bibliothèque.

La santé de Louis XIV de Stanis Perez
…Au lever, le roi dispose d’eau fraîche, de pain et de vin. D’après Saint Simon, il en prenait quotidiennement avant de remplacer ce « petit déjeuner » par deux tasses de sauge et de véronique avec l’apparition des migraines. De toute façon la mode n’était pas au déjeuner sucré que l’on connaît aujourd’hui…Il est fait mention dans les estats de la chambre aux deniers, d’un bouillon du dejeun dont on ne sait pas grand chose sinon sa composition : un vieux chapon, une pièce de veau, de mouton et quatre livres de bœuf… »

A table au XIX e siècle. Paris musée d’Orsay décembre 2001- mars 2002, Flammarion
…Le déjeuner se décomposait en deux temps. Le « déjeuner à la tasse », notre actuel petit déjeuner, se prenait au lever. Il consistait en une tasse de lait, de café, de thé ou de chocolat éventuellement accompagné de pain grillé. Le second déjeuner, devenu aujourd’hui le déjeuner, appelé aussi « déjeuner à la fourchette » ou « déjeuner dînatoire » était servi entre dix heures et midi.

Larousse ménager illustré de 1926
« Le petit déjeuner doit être pris vers 7 ou 8 heures du matin car si l’on dépasse ce moment, il n’y a plus un assez grand intervalle entre le petit et le grand déjeuner. L’important à donner à ce petit déjeuner doit varier avec les conditions d’existence des individus, mais c’est une erreur de ne pas le prendre suffisamment copieux, surtout quand on mène une vie de travail…la composition du petit déjeuner varie beaucoup selon les diverses situations sociales, dans l’immense majorité des cas, il est constitué de café au lait avec pain et beurre, excellent assemblage qui fournit un nombre de calories relativement élevé. La tasse de chocolat qui le remplace parfois ne peut être toléré que par des estomacs vigoureux. Un bon potage est aussi très indiqué pour le plus grand nombre, ainsi qu’un œuf cassé et délayé dans une tasse de café noir. Les travailleurs manuels doivent renoncer à l’usage du vin pour le matin à jeun, dont les conséquences sont néfastes. Les personnes à estomac délicat doivent absorber le premier déjeuner du matin très lentement et mastiquer très soigneusement ; sinon leur appareil digestif en souffrira toute la journée. »

Dans Le nouveau Larousse ménager de 1955
Le menu est assez semblable sauf qu’il n’est plus question de vin et le petit déjeuner « anglo-saxon » fait son apparition.

Et bien sûr wikipedia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Déjeuner